Branwenn a écrit : ↑sam. mai 25, 2019 3:42 pm
Un preuve de plus qu'il faut avoir des reins solides et de gros (enfin j'imagine) moyens, que seul Brage a en France pour faire une campagne d'envergure pour un auteur francophone. Merci de m'avoir rappelé l'opération pour Pevel, je n'ai pas suivi la fin, mais ça a donné quoi au final. Ça a marché ?
Alors je vous arrête tout de suite (ou on va se tutoyer, parce qu'on est sur un forum de fans : je t'arrête tout de suite). Nous avons créé Bragelonne avec 8 000 euros (50 000 FF). Nous n'avions pas d'argent, n'en avons toujours pas car nous réinvestissons tout pour plus d'auteurs ou mieux les auteurs ou mieux quelque chose. Parce que nous avons été des lecteurs frustrés dans les années 80 de ne pas avoir ce que nous voulions en librairie. Dès 2001, et nos premiers succès relatifs (français comme anglo-saxon ; longtemps Henri Loevenbruck a été notre "best-seller" ; je mets des guillemets parce que les best-sellers en imaginaire, à quelques exceptions près c'est tout petit comparé aux best-sellers de la littérature générale ou jeunesse ou bd), alors que n'avions toujours pas un Kopeck (pas de salaire les premières années ; c'est bon les pâtes et le riz mais à un moment ça gave) il y avait déjà les campagnes de désinformations qui parlaient du "rouleau compresseur Bragelonne". Et ce message était répandu par des groupes d'éditions qui pesaient des centaines de millions d'euros et avaient des milliers de personnes à leur service (et de quoi faire des 4x3 dans le métro). L'intox. Nous étions de plus diffusé par Harmonia Mundi, un éditeur de musique, qui était le plus petits des gros diffuseurs de livre à l'époque (qui diffusait également l'Atalante et Mnémos quand nous avons débuté) Et comme la pseudo réussite a également suscité une forme de jalousie de la part de plus petits, on a été pris très vite en sandwich. On menaçait les linéaires des gros, on réussissait avec ce que les petits considéraient comme étant de la merde. Pourtant la mission de Bragelonne était simple. Nous devions être la base du pilier (Usul pour les fans de Dune). Les fondations de la lecture d'imaginaire. Et ne pas empiéter sur les territoires des autres. Ensuite, il existait tout un tas de collections et d'éditions pour ceux qui recherchaient quelque chose de plus élevé, exigeant ou parfois prétentieux. Nous, c'était le divertissement avant tout (pouët pouët). Et les campagne d'envergure dont tu parles Branwenn, elles le sont à la taille de Bragelonne, mais pas à la taille de l'édition, ni Française, ni mondiale. Nous sommes plus présents sur les réseaux sociaux, parce que c'est "gratuit", que par des procédés marketing délirants. Ce qui ne veut pas dire que nous n'avons pas fait des ateliers market au bureau, ou tout le monde remplissait des petites bouteilles vides avec des parchemins, etc. Genre carte au trésor et bouteille à la mer. 20 ou 25 crétins qui passent leur aprem à ça, parce que sinon ça coûterait trop cher. Le côté McGyver de Bragelonne a toujours été une chose fascinante, même de l'intérieur. Mais les campagnes d'envergure... ha ha. Je le ressortirai aux forces de vente la prochaine fois qu'ils me demandent ce qu'on fait pour tel ou tel auteur. "Comme d'habitude, une campagne d'envergure, mes bons amis... Hip Hip Hip Hourrah ! Hourrah ! Hourrah !". Quant à pourquoi les auteurs français vendent moins bien... Si on avait la réponse... On aurait des auteurs français qui vendent mieux et plus. Y a toujours, et il y a toujours eu des auteurs français qui ont superbement bien réussi, depuis les années 50 (Wul, Curval, Houssin, Pelot etc.). C'est la même chose partout ailleurs. Quelle est la taille du marché. Si la littérature de genre est bien développée dans un pays, alors tu peux prétendre à des ventes régulières et importantes pour les auteurs de ce genre. L'imaginaire chez nous a toujours du se battre depuis les années 80, pour exister. L'imaginaire, c'est 7% de parts de marché de la littérature en France, si c'est 2% des linéaires, c'est un maximum. Donc sous représenté. Pas facile de défendre les auteurs du crû qui pourtant sont sur place, ont aujourd'hui leurs réseaux sociaux perso, etc. Ce qui n'empêche pas les Damasio, les Chattam, les Pevel, les Bordage, les Loevenbruck, etc. Il y en a toujours qui rencontrent un public qui dépasse celui du genre. Pourquoi ? Comment ? C'est trop injuste ? Comment on fait les bébés ? On ne sait jamais ce qui va avoir un effet. Mais je constate 2 choses. Ma génération a lu tout ce qu'elle a pu, et en se mettant à l'écriture, elle a majoritairement voulu se distinguer de ce qu'elle avait ingurgité ado. De fait, elle s'est isolée elle-même de ce que les lecteurs, dont ils faisaient avant partie, avaient envie de lire. Le mieux est l'ennemi du bien. Ou un truc dans le genre. On trouve tout le temps des exceptions. Mais très souvent il y a une volonté culturelle en France de faire plus que de raconter une histoire. Parce que c'est cela avant tout le plaisir de se faire enfermer dans un bon livre, c'est d'être au milieu d'une bonne histoire. L'originalité, la beauté, le style, tout cela n'existe que dans l'oeil du tyrannoeil (sérieusement ? tyrannoeil, c'est ça la traduction officielle de Beholder...?!) comme dirait Dan Simmons après l'avoir volé à Keats. Nous sommes tous des enfants dans un désert clamant eau effort, pardon haut et fort : "
Héfigna hafagnagna hunfougnon !" L'autre chose que j'ai constatée (en fait j'en ai constaté beaucoup plus, mais j'ai roland garros alors bon...) c'est que depuis Bragelonne, un nouveau courant est apparu, marketing, appelé le Young Adult (adulescents). Rayon énigmatique à géométrie variable pour les 15-25 ans, dont la majeure partie des œuvres relève de l'imaginaire qui tapent souvent des scores de vente pas dégueux. Et si (gag) les auteurs français d'imaginaires vendaient pas si mal que ça en fait, mais pas au rayon imaginaire ? Vous voyez ce que je veux dire ? Non ? Alors pour la prochaine fois vous me rendez 2 copies minimum sur "Quelles sont les œuvres qui devraient être au rayon imaginaire mais sont en fait planquées en littérature générale ou en polar ?" Et vous allez me faire sauter le serveur, je le sais d'avance...
